AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Arts et civilisations de l’Amérique moyenne

AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Arts et civilisations de l’Amérique moyenne
AMÉRIQUE PRÉCOLOMBIENNE (archéologie et art) - Arts et civilisations de l’Amérique moyenne

LES HAUTES CULTURES PRÉCOLOMBIENNES

On entend par «Amérique moyenne», du point de vue de l’histoire des civilisations, une vaste zone de l’Amérique du Nord et de l’Amérique centrale, qui comprend la plus grande partie du Mexique, Belize et les républiques actuelles du Guatemala, du Salvador, du Honduras, du Nicaragua et du Costa Rica. Il va de soi que les frontières politiques n’ont aucun rapport avec les phénomènes culturels du passé précolombien. Les peuples qui ont vécu sur ces territoires, et dont les descendants sont encore très nombreux, ont développé, au cours des siècles, des civilisations aux traits extrêmement variés, mais comportant un important patrimoine commun: économie fondée sur le maïs et certains autres végétaux (calebasse, haricot, tomate, piment); passage de la vie paysanne à la vie urbaine; construction de centres cérémoniels et gouvernementaux riches en monuments, sculptures, peintures murales; structures sociales et politiques complexes et hiérarchisées; religions polythéistes dotées d’une cosmologie très élaborée et d’un rituel foisonnant, avec un clergé investi de larges pouvoirs; extrême importance de l’observation des astres et de la computation du temps, donnant naissance à un calendrier original dont on ne trouve l’équivalent nulle part ailleurs; utilisation de systèmes d’écriture pictographiques et idéographiques.

Limitée au nord par les populations nomades des steppes, au sud par les tribus d’origine sud-américaine, l’Amérique moyenne ou «Méso-Amérique» constitue bien un tout. Entre ces deux frontières, l’archéologie et l’ethno-histoire permettent de distinguer des foyers de civilisation, comme le plateau central du Mexique ou les terres basses du Guatemala, où l’organisation sociale, les arts plastiques, la réflexion théologique ont atteint les niveaux les plus élevés. Certaines régions sont demeurées marginales, tels le nord-ouest du Mexique ou le Nicaragua, mais les idées, les thèmes mythiques, les techniques architecturales, les décors de la céramique et bien d’autres traits culturels ont voyagé, à toutes les époques, d’un bout à l’autre de cette zone, quelquefois même au-delà, notamment dans la partie méridionale des États-Unis actuels.

D’une extension considérable dans l’espace, l’Amérique moyenne offre également le spectacle d’un très long développement dans le temps. À mesure que progressent les recherches archéologiques, l’origine des civilisations semble reculer de plus en plus loin dans le passé. Cinq millénaires au moins se sont écoulés entre la découverte de l’agriculture et l’invasion espagnole, qui a mis fin à l’histoire autochtone. La plus ancienne des hautes civilisations du Mexique que l’on connaisse fut sans doute, à ses débuts, contemporaine de la XXIIe dynastie d’Égypte, de Salomon et de la Grèce homérique, alors que l’âge d’or maya se situe à l’époque où Mahomet fonda l’islam, et l’ascension impériale aztèque commence au moment où apparaît Jeanne d’Arc. Fertiles à coup sûr en événements dont nous ignorons à peu près tout, ces siècles engloutis ont heureusement laissé en témoignage des œuvres d’art qui portent la marque des civilisations successives dont elles sont issues.

Les arts précolombiens de l’Amérique moyenne

Peuplée dès 20 000 ans environ avant notre ère par des tribus chasseresses aux armes de pierre taillée (dont l’existence est attestée notamment par les découvertes de Tepexpan dans la vallée de Mexico), l’Amérique moyenne est passée graduellement à l’économie agricole. Dès le VIIe millénaire avant notre ère, certains Indiens, vivant encore de chasse et de cueillette, cultivaient la calebasse. Le haricot, le piment et enfin le maïs, obtenu à partir d’une plante sauvage du Mexique, vinrent progressivement fournir une base solide à la vie sédentaire. À partir de 3500 avant notre ère, l’agriculture était devenue assez productive pour que les Indiens, délivrés de la quête quotidienne de la nourriture à travers savanes et forêts, établissent des villages.

Le cycle régulier des travaux agricoles, des semailles et des récoltes permit à l’homme américain (comme quatre mille ans plus tôt à l’Asiatique et à l’Égyptien) de consacrer une part de son temps à sa demeure, à ses vêtements, aux ustensiles nécessaires. Au IIIe millénaire apparaît la céramique. Le coton en pays tropical, les fibres d’agave dans les régions hautes sont utilisés pour fabriquer des tissus. L’existence même du village, l’organisation des travaux, la défense contre des pillards éventuels supposent un minimum d’organisation sociale et politique. Enfin, la sécurité des subsistances rend possibles le loisir et la réflexion: la religion tente de percer les mystères de la végétation, les prêtres observent les astres et fixent en un calendrier le cours des saisons.

De nombreux sites du plateau central, tels que Zacatenco, Copilco, Ticomán, Tlatilco, ont livré aux archéologues d’importants vestiges des cultures «archaïques» ou «préclassiques», en particulier des vases en terre cuite et des figurines d’argile dont les ornements (turbans, bijoux), témoignent d’une différenciation sociale assez poussée. Ces villages du IIIe et du IIe millénaire entretenaient des relations commerciales lointaines, comme le prouvent les coquillages provenant des deux océans qui ont été découverts dans les tombes.

Il est probable que les figurines féminines correspondent à un culte de la fertilité. Pendant la phase la plus récente, celle de Ticomán, qui peut être située au Ier millénaire avant notre ère, ces figurines, dites fine ladies , témoignent d’un art délicat et imaginatif. À la même époque, la civilisation olmèque, qui sera traitée plus loin, fait sentir son influence sur le plateau central, comme le démontre la découverte dans un tombeau de Tlatilco d’une splendide statuette d’enfant, en terre cuite, de style typiquement olmèque.

C’est également pendant cette phase préclassique terminale que se dessine la transition du village à la ville. Il est probable que la population avait considérablement augmenté, grâce à la production de plus en plus abondante de nourriture; d’autre part, les squelettes mis au jour dans les tombes correspondant à cette période montrent qu’un apport extérieur avait eu lieu. Le premier monument du plateau central qu’on puisse caractériser comme une «pyramide» (bien qu’en réalité il s’agisse plutôt d’un tumulus tronconique) fut édifié à Cuicuilco peu avant notre ère. Il est fait de briques séchées et de pierres taillées, et se rapproche d’autres monuments anciens ou archaïques comme ceux des Olmèques, des Huaxtèques et des Tarasques, ou de la pyramide maya la plus ancienne à Uaxactún. Se terminant en plate-forme, il soutenait sans doute un sanctuaire, et il était entouré de tombes. Sa construction avait forcément nécessité les efforts organisés et prolongés de nombreux travailleurs aux ordres de chefs ou de prêtres. Cette pyramide apparaît comme le premier élément d’un centre cérémoniel, noyau de la ville civilisée.

Mais si la vie urbaine a pris une importance primordiale dans le centre du Mexique et dans les régions tropicales de l’Est et du Sud, le village est demeuré le cadre essentiel de l’existence dans de vastes zones de l’Amérique moyenne. Ce fut le cas en particulier des terres fertiles du Nord-Ouest (États actuels de Guanajuato, Colima, Nayarit, Jalisco), où la culture préclassique s’est perpétuée sans subir de façon notable l’influence des hautes civilisations classiques, se manifestant par un art particulièrement original de la céramique. Figurines, personnages humains isolés ou en groupes, guerriers, musiciens, animaux, vases aux formes réalistes ou abstraites sortent par milliers des tombes de cette région. Il s’agit là d’un art dégagé de toute considération symbolique ou théologique, extraordinairement vivant et non exempt d’humour, en complet contraste avec l’art essentiellement religieux des villes classiques.

L’art olmèque

Le terme «olmèque», qui signifie en aztèque «originaire du pays du caoutchouc», c’est-à-dire des jungles tropicales, chaudes et humides, du Mexique oriental, est en usage depuis une cinquantaine d’années pour désigner la civilisation énigmatique dont les centres les plus importants que l’on connaisse sont La Venta, San Lorenzo Tenochtitlán, Laguna de los Cerros, Tres Zapotes et Cerro de las Mesas, dans les États actuels de Tabasco et de Veracruz.

Beaucoup de problèmes non résolus se posent encore à propos de ces sites et de leur ancienneté. Dans l’état présent des connaissances archéologiques, il semble que la civilisation olmèque ait pris naissance vers 1200 ans avant J.-C. dans la région côtière du golfe du Mexique, et qu’elle se soit perpétuée jusqu’au Ve siècle avant notre ère. De ce foyer, elle a rayonné dans différentes directions: on retrouve sa trace, notamment sous forme de sculptures, de bas-reliefs et de céramiques, sur le plateau central (Tlatilco), sur le versant occidental dans les États de Morelos et de Guerrero (Chalcatzingo, Juxtlahuaca), à Monte Albán dans l’Oaxaca, dans l’État de Puebla à Las Bocas, puis le long du Pacifique jusqu’à Nicoya (Costa Rica). Il est possible que certains objets (jades, statuettes) aient voyagé sans que leur présence dans diverses localités implique celle d’une population olmèque. Mais des pétroglyphes de vastes dimensions, des peintures pariétales et des tombes démontrent que des «colonies» olmèques ont essaimé très loin de la zone du Golfe qui a été sans doute leur métropole.

La civilisation olmèque peut être considérée comme la première en date de l’Amérique moyenne. Avec elle apparaissent les traits caractéristiques que l’on retrouvera au cours des siècles suivants: centres urbains, monuments pyramidaux, monolithes sculptés, stèles et autels ornés de bas-reliefs, ciselure des pierres dures, écriture et calculs chronologiques. En ce qui concerne ces deux derniers éléments, les données actuelles permettent seulement d’affirmer qu’ils appartinrent à la phase la plus récente de cette civilisation, peu de temps avant l’ère chrétienne (31 av. J.-C. pour l’inscription de la stèle C de Tres Zapotes). Mais il est parfaitement admissible que l’invention de l’écriture et celle du calendrier typique de l’Amérique moyenne aient été faites par les Olmèques beaucoup plus tôt. Quoi qu’il en soit, les inscriptions maya les plus anciennes remontant seulement au IIIe siècle, l’antériorité des Olmèques dans ce domaine est indubitable.

L’architecture olmèque est relativement rudimentaire. La «pyramide» de La Venta, haute d’environ 30 mètres, se présente plutôt comme un tumulus conique. D’autres monticules, plus bas, s’élèvent au nord et au sud. Des monticules analogues sont revêtus de pierre à Tres Zapotes, ou groupés sur une plate-forme de terre recouverte de stuc à Cerro de las Mesas. Les monuments, nettement orientés par rapport aux points cardinaux, sont entourés de plates-formes autour desquelles sont groupés des colonnes, des stèles et des autels.

C’est dans le domaine de la sculpture et de la ciselure que les artistes olmèques manifestent dès le début une maîtrise surprenante et qui ne sera dépassée dans aucune des civilisations précolombiennes; cette maîtrise s’affirme aussi bien dans le colossal que dans la miniature. Les énormes têtes monolithiques caractéristiques de l’art olmèque pèsent entre quinze et trente tonnes, et l’on demeure confondu par l’extraordinaire déploiement d’énergie et d’ingéniosité qui a été nécessaire pour transporter ces blocs de basalte jusqu’à leur site actuel depuis les volcans de Tuxtla, éloignés d’environ 120 kilomètres. Elles représentent des visages humains au nez épaté, à la bouche dite «olmèque», avec sa lèvre supérieure épaisse et incurvée, les commissures fortement tirées vers le bas, et surmontés d’une sorte de casque.

Ces têtes colossales peuvent être considérées comme un type particulier d’autel monolithique; ce genre de monuments se retrouve dans toutes les civilisations du Mexique, chez les Maya comme chez les Aztèques. Les autels olmèques à bas-reliefs, dont certains représentent un jaguar accroupi, décrivent des scènes probablement religieuses: personnages aux traits lourds, coiffés de couronnes et de tiares, portant dans leurs bras de tout jeunes enfants, des «bébés» au crâne lisse et allongé par une déformation volontaire. La bouche «olmèque» de ces enfants est stylisée à l’image de la gueule du jaguar. Ce motif du jaguar et de l’enfant-jaguar reparaît avec une fréquence obsédante dans l’art olmèque: il correspondait sans doute aux mythes d’une religion centrée sur le culte d’un dieu-félin.

Il n’est pas sans intérêt d’observer que l’art de la civilisation péruvienne de Chavín de Huantar, contemporaine des Olmèques, abonde en représentations d’un dieu-félin, et qu’une stèle très analogue aux bas-reliefs de Chavín a été découverte au Mexique, à Placeres del Oro, sur le versant occidental.

Les stèles sculptées et les sarcophages à bas-reliefs retracent des scènes mythiques ou historiques. À Tres Zapotes, les bas-reliefs d’un sarcophage représentent des guerriers casqués, armés de massues et de javelines, qui semblent soutenir un combat contre des êtres surnaturels descendant du ciel.

La célèbre stèle 3 de La Venta commémore probablement un important chef ou héros historique, personnage dont le type physique s’écarte notablement de celui que représentent la plupart des sculptures olmèques: ses traits fins, son nez en bec d’aigle, sa barbiche l’ont fait surnommer «oncle Sam» par les archéologues. Coiffé d’un ensemble très élaboré de panaches de plumes et de masques, orné d’un collier et d’un pectoral en forme de visage humain, il fait face avec dignité à un autre personnage, de type olmèque, trapu et presque obèse, lui aussi richement vêtu.

Des figurations d’hommes au nez mince et à barbiche apparaissent aussi sur des stèles à Tres Zapotes et à Tepatlaxco; dans ce dernier cas, il semble qu’on se trouve en présence d’un joueur de paume, ganté et muni d’une genouillère, ce qui indiquerait que ce jeu, pratiqué par tous les peuples civilisés du Mexique, était déjà en usage chez les Olmèques.

C’est encore un homme barbu et aux traits fins que représente la célèbre statue dite du «Lutteur», découverte à Uxpanapán (Veracruz), œuvre maîtresse de la statuaire olmèque, extraordinaire de spontanéité et de vie.

Loin de leur territoire d’origine, les «colons» olmèques ont laissé la trace de leur séjour, notamment en sculptant des bas-reliefs sur des rochers. Les pétroglyphes de Chalcatzingo (Morelos) constituent un des ensembles les plus remarquables de cet art. L’un d’eux représente une femme (peut-être une déesse) assise dans une caverne en forme de gueule de serpent. Au-dessus d’elle, des nuages stylisés déversent des gouttes de pluie, qui figurent également dans sa haute coiffure, et des pousses de maïs surgissent des parois de la caverne. Ce bas-relief se réfère sans doute à un culte de la déesse de l’eau et de la fécondité végétale, tandis que d’autres, dans le même site, dépeignent des scènes rituelles, avec des prêtres au masque d’oiseau, armés de casse-tête.

À Monte Albán (Oaxaca), qui devait être au Ier millénaire de notre ère la grande métropole religieuse des Zapothèques, les dalles gravées connues traditionnellement sous le nom de «Danseurs» (Los Danzantes ) sont indiscutablement olmécoïdes: on y voit des personnages nus, aux attitudes variées, dont la bouche caractéristique permet de déterminer l’origine. Beaucoup plus loin encore, à Chalchuapa (Salvador), deux pétroglyphes représentent des dignitaires ou des divinités olmèques.

Il est probable que les Olmèques ornaient de peintures les murs de leurs monuments, mais rien n’a subsisté de ces œuvres dans la région du Golfe. À Juxtlahuaca (Guerrero), des peintures pariétales, dans des cavernes, montrent un chef ou un héros à la barbe noire, la tête coiffée d’un panache de plumes vertes, le torse couvert d’une tunique jaune et rouge, un manteau brun jeté sur l’épaule. Il porte des gants et des jambières en peau de jaguar. À ses pieds est accroupi un individu de petite taille, barbu, le visage peint en noir, et vêtu de rouge. Cette splendide composition est sans doute la plus ancienne peinture connue en Amérique. Un peu plus loin, un autre panneau représente un serpent et un jaguar.

Rien n’est peut-être plus caractéristique de l’art olmèque que le merveilleux travail des pierres dures: jade, serpentine et autres minéraux semi-précieux. Les Olmèques avaient coutume d’enterrer dans des «caches» des statuettes, des haches ciselées, des modèles de bateaux en miniature: 16 statuettes ont été ainsi découvertes dans une seule cache à La Venta, et 782 statuettes, bijoux et autres objets à Cerro de las Mesas. La plupart des statuettes représentent l’énigmatique «bébé-jaguar», ou des personnages généralement asexués, au crâne déformé. La bouche évoque la gueule du jaguar et quelquefois même laisse apparaître les crocs du félin sacré.

La statuette de Tuxtla (actuellement à la Smithsonian Institution de Washington) est un bloc de jadéite représentant un homme masqué ou un être mi-homme, mi-oiseau. Plus que par sa facture assez rudimentaire, cette pièce est importante en raison de l’inscription chronologique gravée sur sa face postérieure. Lue selon le système maya classique, cette date correspondrait à l’an 162 de notre ère: il s’agirait donc d’une œuvre très tardive.

Le motif du bébé-jaguar se retrouve aussi très fréquemment dans les belles statuettes en terre cuite trouvées, en particulier, à Tlatilco (plateau central) et à Las Bocas (Puebla).

L’architecture mise à part, on peut dire que l’art olmèque a atteint d’emblée aux plus hauts sommets de l’art précolombien. À la fois hiératique et réaliste, sachant manier avec une virtuosité étonnante la pierre volcanique et les jades, riche en ciseleurs, sculpteurs, céramistes et peintres, il ouvre la série des grandes civilisations de l’Amérique moyenne, à la jonction de l’ère préclassique et de l’époque classique.

Les Olmèques ont été les premiers – d’après l’état actuel de nos connaissances – à projeter leurs représentations mythiques sur des autels et des stèles, à commémorer leurs héros par des bas-reliefs et des peintures murales, à ciseler les pierres semi-précieuses. La prédominance de l’inspiration religieuse dans leur art comme le caractère monumental de leur sculpture et la richesse de leur ciselure marquent une rupture décisive avec les cultures villageoises. Il a fallu une population nombreuse, hiérarchisée et prospère pour transporter tant de monolithes, élever tant de colonnes de basalte, tailler d’innombrables dalles de serpentine, revêtir de bas-reliefs ou de peintures de vastes parois rocheuses, recruter dans son sein les artistes dont le labeur patient et minutieux a produit de si nombreuses statuettes et autres œuvres d’une exquise perfection. C’est donc bien avec les Olmèques que s’achève définitivement la longue genèse d’où sont issus les grands arts classiques. D’ailleurs, les stèles les plus tardives de Cerro de las Mesas, déjà contemporaines des civilisations classiques des premiers siècles de notre ère, montrent des affinités évidentes avec l’art maya, avec celui de Teotihuacán et avec celui des Zapotèques.

Les arts classiques

L’art maya

De la péninsule du Yucatán à la côte du Pacifique en passant par les jungles du Petén et les hautes terres du Guatemala, le pays des anciens Maya demeure encore aujourd’hui l’habitat de peuples qui parlent les dialectes de la langue maya et dont le type physique évoque, souvent de façon saisissante, celui que représentent les sculptures ou les peintures de l’Antiquité autochtone.

C’est dans la zone centrale, très chaude et très humide, de ce territoire, dans les vallées de l’Usumacinta, du río Hondo, du Motagua et de leurs affluents, autour des lacs et des lagunes du Chiapas et du Petén, que la civilisation maya classique fait son apparition – pour nous surprenante et inexpliquée – vers la fin du IIIe siècle de notre ère. C’est à Uaxactún que l’on a pu étudier le monument de pierre le plus ancien (pyramide basse revêtue de stuc, dite E-VII-sub), mais on est amené à supposer que des constructions en matériaux légers ont précédé les édifices qui ont subsisté. Une période de plusieurs siècles de formation a dû se dérouler avant qu’une civilisation raffinée et complexe ne surgisse, en apparence toute armée comme Minerve, sur ce sol inhospitalier. Les Maya ont-ils emprunté aux Olmèques tardifs des éléments aussi importants que la pyramide, la stèle, l’autel à bas-reliefs, l’écriture et la chronologie? Ou bien les Olmèques eux-mêmes étaient-ils des proto-Maya? Autant de problèmes que se pose l’archéologie sans pouvoir encore les résoudre.

Ce qui est certain, c’est que la fondation de centres urbains à monuments datés, restreinte d’abord au Petén jusqu’au milieu du Ve siècle, s’étendit progressivement, pendant les trois siècles suivants, au nord vers le Yucatán, au sud jusqu’au Honduras. Plus de cent «cités», d’importance variée, mais possédant toutes des stèles à inscriptions hiéroglyphiques, ont été dénombrées, et il est probable que d’autres attendent encore d’être découvertes. Les plus considérables, par leurs dimensions comme par la qualité des œuvres d’art, sont, dans la région du Petén, Tikal, Uaxactún, Nakum, Xultún, Naranjo; dans le bassin de l’Usumacinta, Yaxchilán et sa petite mais très intéressante colonie de Bonampak, Palenque, Piedras Negras; au Yucatán, Dzibilchaltún, Uxmal, Etzná, Labná, Sayil, Yaxuna, Cobá; au sud, Quiriguá et Copán. Comalcalco, la ville située le plus à l’ouest, dans le Tabasco, est construite en brique, car la région était pauvre en pierre, contrairement au Yucatán et au Petén, qui offraient en abondance des calcaires aisés à travailler et facilement transformables en chaux pour la fabrication des mortiers et des stucs.

Il est remarquable que les hautes terres du Guatemala, peuplées dans l’antiquité comme aujourd’hui d’Indiens parlant maya, soient demeurées, bien que dotées d’un climat salubre, en marge de la grande civilisation maya. Kaminaljuyú, dans cette région, présente des caractères plus «mexicains» (influence de Teotihuacán) que maya; seule la céramique peinte de Chamá et de Nebaj a atteint un niveau artistique très élevé.

De ces divers centres urbains, l’apogée se situe, en des périodes légèrement différentes, au VIIe et au VIIIe siècle. Cet «âge d’or» a précédé de peu leur déclin, puisque les inscriptions datées les plus tardives se réfèrent aux années 869, 889 et 909. C’est donc sur une durée de l’ordre de six siècles que s’étend la phase maya classique telle que nous la connaissons.

Deux types de monuments caractérisent l’architecture maya de cette époque: le temple, construit au sommet d’une pyramide, et le palais, édifice horizontal composé de nombreuses salles groupées autour de cours intérieures, bâti sur une terrasse surélevée. Ces monuments correspondent aux deux fonctions essentielles de la cité maya, centre du rituel religieux et du commandement. Chaque ville, avec un territoire rural, constituait un petit État indépendant, à la manière des anciennes cités grecques; le pouvoir était entre les mains de la classe sacerdotale, qui détenait la connaissance de l’astronomie et des mathématiques et les secrets de l’écriture hiéroglyphique. Peu belliqueux, les anciens Maya se heurtaient quelquefois entre eux ou combattaient des tribus allogènes, comme en font foi les fresques de Bonampak et une stèle de Piedras Negras; ils plaçaient alors à leur tête des chefs de guerre. Certains bas-reliefs et leurs inscriptions semblent destinés à commémorer ces dignitaires. Les cités formaient parfois des confédérations (par exemple Piedras Negras, Yaxchilán et Tikal) ou essaimaient en créant des colonies, comme Copán à Quiriguá.

Les Maya ont inventé la voûte en encorbellement, qui leur permettait de construire des salles longues mais étroites. C’est cette méthode qui prévaut au sud (Petén, Usumacinta), tandis qu’au nord (Yucatán) on rencontre fréquemment des salles plus vastes, aux toits soutenus par des poutres reposant sur des colonnes. Le temple typique de la zone sud (par exemple le temple du Soleil à Palenque) comporte une première salle ouverte sur l’extérieur et un «saint des saints» de dimensions très exiguës, où des panneaux sculptés représentaient le dieu à qui ce temple était consacré. Le toit, caréné, était fait de pierre et de ciment, et surmonté d’une haute crête ajourée. Le tout s’élevait au sommet d’une pyramide à degrés, parfois trapue et relativement basse (pyramide du temple des Inscriptions, à Palenque, 21 m environ), parfois très haute et élancée (Tikal, 58 m).

Quant aux «palais», quelquefois surmontés d’une tour à étages (Palenque), ils groupaient autour de patios un dédale de salles, de corridors, d’escaliers. Souvent ces différents édifices formaient des ensembles admirablement équilibrés au sommet d’une acropole (Copán).

L’architecture classique du Yucatán présente des caractères originaux. La voûte maya y est certes en usage: un des plus beaux exemples connus est celui de l’«arc de triomphe» de Labná. Mais les architectes du Nord ont surtout cherché à accroître les dimensions des palais (à Uxmal, le «palais du Gouverneur» a 110 m de long), à bâtir de vastes ensembles tels que le «quadrilatère des Nonnes» à Uxmal ou le palais à deux étages de Sayil, à aménager de larges perspectives. Ils ont utilisé les colonnades beaucoup plus que leurs homologues du Petén.

En ce qui concerne la décoration des façades, les temples et les palais du Sud sont enrichis de splendides panneaux à bas-reliefs, de même que les linteaux et les jambages des portes, ou même les escaliers (le célèbre «escalier hiéroglyphique» de Copán ne comporte pas moins de 2 500 signes gravés). Au Yucatán, les façades s’ornent de mosaïques de pierre aux motifs géométriques et de masques stylisés du dieu de la pluie Chac (style puuc d’Uxmal, de Sayil, etc.). Le caractère baroque de cette décoration s’accentue avec le style rococo dit chenes , par exemple à Hochob, et dégénère à Río Bec et puhil en une débauche de trompe-l’œil, de faux escaliers, de pseudo-pyramides et d’énormes mascarons.

Mis à part ces développements marginaux, l’architecture maya classique est à la fois grandiose et élégante, et ces deux caractères se retrouvent dans la sculpture, à laquelle il convient d’adjoindre, à Palenque notamment, le modelage du stuc.

La grande époque de la sculpture maya se situe entre le début du VIIe siècle (608, date de la stèle no 25 de Piedras Negras) et le début du IXe (805, fin de la série de stèles de Quiriguá). Essentiellement consacrée à l’expression de la pensée religieuse, mais aussi à l’histoire dynastique, la sculpture a conservé durant toute cette période un caractère hiératique et assez rigide, mais on n’en observe pas moins une évolution très nette depuis les bas-reliefs les plus anciens, où la figure humaine est représentée de profil, le torse de face, dans des attitudes conventionnelles et compassées, jusqu’aux admirables œuvres d’art de Yaxchilán, de Copán, de Piedras Negras, de Palenque. Chaque cité a son style particulier: profonde intensité religieuse à Yaxchilán, virtuosité du bas-relief et de la statuaire à Copán, stèles «à niche» (rappelant certains autels olmèques) de Piedras Negras, où de véritables statues se détachent du bloc, art «de cour» suprêmement élégant et un peu mièvre des reliefs en stuc de Palenque, raffinement des énormes monolithes de Quiriguá.

Une place à part doit être réservée aux inscriptions hiéroglyphiques. Fascinés par la marche du temps, les Maya se sont attachés à dater tous les monuments et à élever des stèles (tous les vingt ans, quelquefois même tous les dix ou cinq ans) pour jalonner la durée. Chaque date, fixée avec une précision extraordinaire, conformément à un calendrier très complexe dont l’origine remontait à l’an 3113 avant J.-C., était mise en relation avec des phénomènes célestes tels que les phases de la Lune. En outre, de nombreuses inscriptions encore indéchiffrées (par exemple le grand panneau du Palais à Palenque) devaient avoir trait à des événements historiques. Le sculpteur maya utilisait souvent les hiéroglyphes, dont certains prenaient la forme d’exquis tableautins, comme élément décoratif entre les personnages d’un bas-relief.

La peinture murale maya n’est connue que par les fresques de Uaxactún et surtout par celles de Bonampak. Ces dernières retracent avec un luxe inouï de détails la vie d’une petite principauté maya de l’époque classique vers l’an 800. Seigneurs, soldats, musiciens, danseurs, femmes maniant l’éventail, enfants, serviteurs se montrent à nous dans leurs combats, leurs cérémonies, leur vie quotidienne, avec leurs armes, leurs turbans et leurs coiffures de plumes, leurs bijoux, leurs tambours et leurs trompes, dans des attitudes beaucoup plus souples que celles qui sont obtenues par la sculpture et avec une authenticité saisissante.

L’art de la miniature était très répandu chez les anciens Maya, puisque leurs livres comportaient, à côté des hiéroglyphes, de nombreuses scènes dessinées et peintes. Il ne subsiste malheureusement que trois manuscrits (à Madrid, à Paris et à Dresde) enluminés de figures mythologiques, de scènes de chasse, etc. Un quatrième manuscrit, dont l’authenticité est encore discutée, a été retrouvé aux États-Unis; il pourrait s’agir d’une copie tardive.

C’est encore de la peinture que relève l’art délicat de la décoration polychrome des vases en terre cuite. Les formes de ces poteries sont simples (bols, coupes évasées, vases cylindriques), mais elle sont revêtues d’une multitude de petits tableaux: personnages entourés de signes hiéroglyphiques, dignitaires et serviteurs, animaux, le tout d’une vivacité et parfois d’un humour poussés jusqu’à la caricature.

Les mêmes caractéristiques se retrouvent dans les figurines de Jaina (État de Campeche), ravissantes statuettes peintes, d’une finesse incomparable, qui font défiler sous nos yeux la société maya de ce temps: guerriers, dignitaires, femmes, vieillards, avec leurs vêtements et leurs ornements. Moins raffinées, mais tout aussi vivantes dans la vérité des attitudes, les statuettes de Lubaantún (Belize) représentent des personnages saisis dans leurs occupations: chefs portés en palanquin, femmes en train de moudre leur maïs. Dans ces deux cas, on voit se manifester une forme d’art plus populaire, plus réaliste que l’art hiératique dominé par le symbolisme religieux.

Les Maya, comme les Olmèques, ont été de merveilleux ciseleurs. Les tombes, les «caches» aménagées sous les dalles des temples ont livré d’innombrables bijoux, colliers, pectoraux, statuettes de jade. Le tombeau découvert à Palenque sous la pyramide du temple des Inscriptions contenait dans un sarcophage à bas-reliefs le squelette d’un dignitaire dont le visage avait été recouvert d’un masque, pièce unique en son genre, composé de 200 plaquettes de jade, aux yeux en nacre et en obsidienne.

Teotihuacán

Contemporaine des Maya, la civilisation de Teotihuacán, ville située à une quarantaine de kilomètres au nord de Mexico, a atteint son âge d’or entre 400 et 700 après J.-C. Son influence a rayonné jusqu’aux terres basses du Petén et au plateau du Guatemala, où la ville de Kaminaljuyú porte sa marque.

De dimensions colossales, s’étendant sur une superficie de plus de 20 kilomètres carrés, avec son avenue des Morts longue de 1 700 mètres et large de 45 mètres, sa pyramide du Soleil haute de 63 mètres sur une base de 222 憐 225 mètres, sa pyramide de la Lune haute de 43 mètres, les édifices, temples, palais que révèle encore aujourd’hui le pic des archéologues (par exemple le «palais de Quetzalpapalotl»), les innombrables sculptures, peintures murales, céramiques, masques, figurines qu’on y découvre, Teotihuacán, qui suscitait déjà la vénération admirative des Aztèques, apparaît comme une grande métropole théocratique, expression d’une civilisation essentiellement agricole, religieuse et pacifique.

À Teotihuacán, le thème typiquement méso-américain de la pyramide est traité dans un style particulier: à la fois hautes et trapues, d’un volume considérable (1 300 000 m3 pour la pyramide du Soleil), les pyramides de Teotihuacán comportent des escaliers précédés d’un avant-corps à gradins. Des panneaux horizontaux, rectangulaires, s’y inscrivent, ainsi que sur les monuments de plus petites dimensions. L’ensemble architectural dénommé la «Citadelle», temple des dieux de la pluie et de la végétation, comprend autour d’une pyramide à six corps superposés quinze autres monuments, tandis qu’au lieu dit Tlamimilolpa un vaste bâtiment à usage d’habitation se compose de 175 pièces.

Cette architecture est grandiose et sévère: on retrouve les mêmes caractères dans la sculpture, qu’il s’agisse des têtes sculptées en haut relief du dieu de la pluie (celui que les Aztèques, un millénaire plus tard, appelleront Tlaloc) et du serpent à plumes qui décorent la «Citadelle», de la colossale statue monolithique de la déesse de l’eau (3,19 m de haut, 22 t), ou de la «croix de Teotihuacán», stylisation raffinée et abstraite du masque de Tlaloc. Les nombreux masques funéraires sculptés en pierre dure ont une perfection extraordinaire; ils sont souvent incrustés de mosaïques d’obsidienne, de pyrite, de grenat, de jade.

Les parois des temples étaient ornées de fresques qui retraçaient des scènes rituelles ou mythologiques. On admire notamment les peintures monochromes en trois tons de rouge de la fresque des jaguars d’Atetelco, et surtout les splendides tableaux de Tepantitla: majestueux et bienveillant, le dieu de l’eau, masqué, répand ses bienfaits sur les humains, tandis que les bienheureux admis dans son paradis, immense jardin luxuriant riche en eaux courantes et en plantes tropicales, expriment leur joie en chantant et en se livrant à mille jeux.

Il convient de signaler aussi la céramique de Teotihuacán; les vases tripodes cylindriques coiffés d’un couvercle conique, décorés à la fresque de motifs mythologiques aux couleurs vives, quelquefois incisés «en cloisonné», ont voyagé très loin au Mexique et au Guatemala. Non moins caractéristique de cette civilisation est l’abondante production de figurines moulées, en terre cuite, représentant des personnages humains ou divins aux traits fins, portant des coiffures et des bijoux très élaborés. Certaines statuettes étaient composées de plusieurs pièces articulées.

Contrairement à ce que l’on observe chez les Maya et dans l’Oaxaca, on ne trouve pas à Teotihuacán de stèles à hiéroglyphes. Il n’est pas douteux, cependant, que cette civilisation connaissait l’écriture et la computation chronologique, ce que démontrent les inscriptions (signes et chiffres) peintes ou gravées sur des vases en terre cuite et sur des objets en pierre ciselée, telle cette plaque d’albâtre qui représente une déesse avec le chiffre sept et le signe hiéroglyphique du serpent.

Il est possible que l’aristocratie sacerdotale qui dirigeait la cité ait eu pour origine la zone «olmèque» du Golfe, tout au moins les terres tropicales dont les fresques de Teotihuacán évoquent la faune et la flore. Aucune représentation guerrière n’a jusqu’à présent été relevée: tout l’art de Teotihuacán s’attache à exprimer une religion de la terre, de l’eau, de la végétation.

La côte du Golfe

Sur le versant oriental du haut plateau, une vigoureuse floraison artistique se manifeste à l’époque classique, notamment à El Tajín (Veracruz), vaste cité dont une partie seulement a fait l’objet de fouilles scientifiques. On y a dégagé en particulier une pyramide très originale, ornée de 365 niches rectangulaires, des palais à colonnades, des stèles sculptées. La décoration est riche en motifs à volutes, que l’on retrouve sur les objets énigmatiques connus sous le nom de «jougs», sur les «palmes», pierres sculptées avec une étonnante maîtrise, sur les «haches votives» en forme de têtes humaines comprimées que des tenons permettaient de fixer aux façades des monuments.

La céramique de cette région est abondante et variée: statues creuses en terre cuite, «têtes souriantes», vases polychromes, d’une facture très achevée et d’une virtuosité sans défaut (Remojadas, Isla de Sacrificios). Il est probable qu’on attribue à tort aux Indiens Totonaques de l’époque postclassique récente ces chefs-d’œuvre d’une population sans doute héritière de la tradition olmèque. D’autre part, la civilisation des Terres chaudes orientales s’est prolongée, ou a connu une renaissance, pendant la période toltèque, car, à El Tajín, les bas-reliefs du Jeu de paume, avec leurs panneaux décrivant des sacrifices humains, reflètent clairement l’influence de la civilisation postclassique de Tula.

Oaxaca

Les vallées fertiles, au climat tiède, d’Oaxaca, d’Etla, de Tlacolula, à mi-chemin entre le plateau central et l’isthme de Tehuantepec, ont été elles aussi peuplées dès une haute antiquité par des Indiens civilisés. L’influence des Olmèques à Monte Albán peu avant notre ère ou au début de celle-ci est attestée par les stèles gravées des «Danseurs». Un peu plus tard, l’influence de l’art olmèque se manifeste encore dans les traits de statuettes en terre cuite comme celle du «Scribe» de Cuilapan, personnage accroupi portant des signes hiéroglyphiques sur sa coiffure et sur la poitrine, et dont la bouche présente les caractéristiques habituelles du visage olmèque.

Monte Albán, centre cérémoniel, lieu de pèlerinage et nécropole, avec ses pyramides, ses temples, ses tombeaux aux vastes chambres souterraines, constitue un ensemble grandiose de caractère essentiellement religieux. Les Zapotèques, qui l’ont occupé jusqu’à l’an mille environ, ont fait, plus que les Maya, usage de colonnes pour soutenir les toits de salles aux vastes dimensions. À Mitla, dans la même vallée, les façades des palais sont revêtues de mosaïques de pierre formant un décor géométrique dont le principal motif est la «grecque en escaliers». Des stèles à bas-reliefs hiéroglyphiques commémoraient sans doute des dates importantes; les caractères de l’écriture diffèrent de ceux des Maya, bien que leur forme générale (cartouches) soit analogue, tandis que la notation des nombres est identique (une barre pour cinq, un point pour l’unité).

Les parois des tombeaux sont ornées de fresques qui représentent des divinités. Mais c’est surtout comme céramistes que les Zapotèques se distinguent par un art d’une qualité exceptionnelle. Leurs «urnes», véritables statues en terre cuite, représentent les personnages d’un panthéon foisonnant: le dieu du maïs, le dieu de l’eau, une divinité chauve-souris, avec une grande richesse d’ornements, de coiffures, de bijoux, de signes hiéroglyphiques. Il s’agit là d’un développement original dont on ne trouve l’équivalent nulle part ailleurs au Mexique.

Xochicalco

La civilisation de Xochicalco (Morelos), sur le versant occidental, semble avoir fleuri relativement tard (VIIe-IXe s.); elle aurait donc été contemporaine à la fois des Maya, de Teotihuacán, de Monte Albán et de Tula. Son art, en tout cas, reflète des influences diverses, notamment maya et zapotèques, et apparaît comme un élément de transition entre le centre et le sud du Mexique.

Le monument le plus connu de Xochicalco est sa pyramide, décorée de bas-reliefs d’une excellente facture. Huit serpents à plumes l’entourent de leurs spires; ils sont accompagnés de personnages enturbannés et empanachés de type mayoïde, et de signes hiéroglyphiques qui présentent des analogies avec l’écriture de Monte Albán et avec celle des Maya. Tous ces bas-reliefs révèlent une virtuosité égale à celle des artistes des grands centres civilisés classiques. Il en est de même d’une très belle sculpture, représentant une tête d’ara stylisée, qui provient de ce site.

La renaissance toltèque

La grande période classique prend fin, à Teotihuacán, vers le milieu du VIIIe siècle. Après l’abandon de la cité, sa tradition survivait cependant à Azcapotzalco, au bord du lac qui recouvrait alors la majeure partie de la vallée de Mexico. C’est en 856, selon l’histoire traditionnelle, qu’un peuple guerrier venu du nord fonda, à 80 kilomètres au nord de Mexico, la ville de Tula.

Ces nouveaux venus, les Toltèques, appartenaient sans aucun doute à la famille nahuatl , qui allait désormais dominer la destinée du Mexique. Nomades chasseurs et belliqueux, obéissant à des chefs de guerre, adorateurs des astres, convaincus de la nécessité d’offrir aux dieux le sang et le cœur de victimes humaines, ils devaient bouleverser de fond en comble le panorama spirituel de la civilisation autochtone. Avec eux disparaissait pour toujours la théocratie pacifique des cités classiques: un art nouveau allait refléter une conception nouvelle du monde et de la société.

À travers les mythes et les légendes relatifs à la civilisation toltèque, on est conduit à admettre que, pendant une première phase, les immigrants acceptèrent plus ou moins volontairement de s’insérer dans un système théocratique conforme à la tradition de Teotihuacán: c’est ce que symbolise le roi-prêtre Quetzalcoatl, le Serpent à plumes. Mais, entre 950 et 1000, une révolution provoquée par une nouvelle vague de guerriers venus du nord – que symbolise le dieu du ciel nocturne Tezcatlipoca – eut pour résultat la défaite et l’exil du Serpent à plumes, l’instauration des sacrifices humains, la domination d’une aristocratie militaire.

La période proprement toltèque se situe donc entre l’an mille et 1168, date de la chute de Tula.

L’art toltèque, tout en conservant l’essentiel de l’héritage classique, innove sur de nombreux points. Les sanctuaires, de dimensions plus vastes que les temples maya, sont divisés en un vestibule et une large salle à colonnes. Les pyramides sont associées à de très grandes salles dont les toits sont soutenus par des piliers à fût carré. Des enceintes crénelées décorées de serpents entourent les monuments. Les caryatides, les statues porte-bannières, les statues dites «chac-mool» (personnages à demi étendus), les bas-reliefs représentant des processions ou des défilés de guerriers, les frises d’aigles et de jaguars, les scènes sacrificielles, autant d’éléments typiquement toltèques que l’on retrouvera désormais dans tout l’art mexicain post-classique.

Tula offre d’excellents exemples de cet art avec la pyramide de l’Étoile du matin, ses palais à colonnades, ses sculptures: bas-reliefs, caryatides. Le style toltèque est sobre, vigoureux, un peu rigide, reflétant une société militariste imprégnée d’idéologie guerrière. Le goût du macabre s’y manifeste. Les hiéroglyphes, assez rares, diffèrent profondément de l’écriture maya ou zapotèque et annoncent les caractères pictographiques aztèques.

Avant de succomber (guerres civiles? invasions?), Tula a exercé une très forte influence au Mexique, depuis le Michoacán à l’ouest jusqu’à la côte du Golfe (Tuxpan, Cempoala, Cuetlaxtlan), influence marquée notamment par la diffusion des statues «chac-mool» et des bas-reliefs à motifs guerriers ou sacrificiels. Deux migrations principales ont conduit des Toltèques vers l’est et le sud: l’une, à la fin du Xe siècle, en direction de la côte orientale et du Yucatán ; l’autre, après la chute de Tula, vers le haut plateau de Puebla (Cholula) et jusqu’en Amérique centrale, au Nicaragua. L’empreinte toltèque n’a pas cessé d’influencer la civilisation du Centre, et s’est imposée au Yucatán à l’héritage maya.

L’art maya-toltèque du Yucatán

Selon les chroniques maya (Livres de Chilam Balam ), des envahisseurs venant de l’ouest, les Itzá, pénétrèrent au Yucatán à la fin du Xe siècle, sous la conduite d’un chef appelé Kukulcán, «Serpent à plumes». Ces étrangers, Mexicains du Centre et de la côte, partiellement toltèques ou au moins toltéquisés, fixèrent leur capitale dans une ville maya d’importance secondaire à l’époque classique, qu’ils rebaptisèrent Chichén-Itzá. Leur domination sur le Yucatán dura environ deux siècles, période marquée par une brillante renaissance artistique.

Les monuments, les sculptures, les fresques de Chichén-Itzá apparaissent de toute évidence comme toltèques dans leur conception, mais la perfection et la finesse de l’exécution révèlent la main d’artistes maya. Le «Castillo», pyramide haute de 24 mètres surmontée d’un sanctuaire du Serpent à plumes, le temple des Guerriers, monument colossal avec sa pyramide et la salle à colonnes qui lui est juxtaposée, l’immense portique soutenu par six cents colonnes qui s’articule avec la salle précédente, le Grand Jeu de paume et le temple des Jaguars, autant de chefs-d’œuvre d’architecture où la vigueur toltèque est tempérée par l’élégance et la virtuosité maya. Les bas-reliefs présentent d’ailleurs un double caractère: les serpents à plumes du temple des Guerriers apparaissent à côté de masques du Chac maya, ceux du «Castillo» à côté des Bacab yucatèques. Des guerriers toltèques sont représentés sur les bas-reliefs avec leur tenue caractéristique: diadèmes à plumes d’aigle, pectoraux en forme de papillon, et des guerriers maya avec leurs panaches, leurs lances et leurs boucliers rectangulaires. Certaines scènes rituelles semblent se référer à un culte phallique originaire de la côte orientale. La civilisation toltécomaya des deux premiers siècles du deuxième millénaire est évidemment la résultante d’influences diverses qui se sont fondues dans le creuset de Chichén-Itzá.

Les fresques qui ont subsisté déçoivent si on les compare à celles de Teotihuacán ou de Bonampak, mais la sûreté du dessin, la vivacité des attitudes, la valeur documentaire des scènes décrites retiennent pourtant l’attention. Leurs thèmes sont des batailles, des palabres, des villages maya et des bateaux toltèques, des tableaux de la vie quotidienne du Yucatán sous l’occupation itzá.

Le métal, inconnu des Maya classiques, fait son apparition à Chichén-Itzá: de splendides disques d’or ciselés ont été retrouvés au fond du grand Cenote (puits naturel considéré comme sacré), où on les avait jetés en offrande aux dieux de l’eau. Les thèmes traités sont purement toltèques: sacrifices humains, combats; mais la facture de ces petits chefs-d’œuvre, d’une exquise perfection, rappelle les plus belles pièces de l’époque classique.

La civilisation de Chichén-Itzá a rayonné sur tout le nord de la péninsule, notamment à Mayapán (ville au nom à la fois maya et nahuatl: «Bannière maya») et à Tulum, sur la côte est. Mais cette brillante renaissance devait s’effondrer dans les guerres entre cités. Mayapán, au début du XIIIe siècle, mit fin à l’hégémonie itzá. Son empire fut abattu à son tour par Uxmal et Maní, et les cités devenues indépendantes s’acharnèrent dans des luttes incessantes les unes contre les autres. Des Mexicains du plateau central, des Mixtèques de l’Oaxaca, intervinrent de plus en plus dans ces querelles sanglantes. Les villes s’enfermèrent dans des murailles fortifiées, mais l’architecture et les arts plastiques en général témoignent d’une graduelle décadence. Les monuments de Mayapán ne sont que de mauvaises copies de ceux de Chichén-Itzá, sculpture et ciselure ont disparu, tandis qu’une production de masse multiplie de médiocres encensoirs en terre cuite, faits au moule et coloriés. Le Yucatán que les Espagnols ont conquis en 1541 n’offrait plus que le spectacle affligeant d’une culture en pleine désagrégation.

Le centre du Mexique et l’Oaxaca après la chute de Tula

Le site de Tula avait été déserté en 1168, mais des noyaux de civilisation toltèque subsistaient, soit dans la vallée centrale (Colhuacán, Xochimilco), soit sur le plateau de Puebla (Cholula).

À partir du début du XIIIe siècle, des tribus nomades du Nord, sous la conduite d’un chef semi-légendaire appelé Xolotl, pénètrent dans le centre du Mexique. Ces «Chichimeca» (Barbares) continuèrent dans les premiers temps à mener une vie errante de chasseurs, vivant dans les bois et dans les cavernes. Mais, au contact des cités toltèques, ils ne tardèrent pas à s’organiser à leur tour en petits États en adoptant le mode de vie agricole et sédentaire, le rituel complexe et même le langage des Toltèques. Cette assimilation était déjà achevée à la fin du XIVe siècle. De nouvelles villes étaient fondées, notamment Texcoco et Tlaxcala, d’autres réoccupées, comme Azcapotzalco. Vingt-huit États, selon l’historien indigène Ixtlilxochitl, se partageaient cette région du haut plateau, tantôt alliés, tantôt opposés dans des guerres pour l’hégémonie, mais participant les uns et les autres à l’essor vigoureux d’une civilisation commune. C’est de cette période que date notamment la pyramide de Tenayuca, monument imposant qui fut parachevé par les Aztèques.

Dans le même temps, les émigrés toltèques qui avaient fui vers le sud-est entraient en relation avec les Mixtèques de l’Oaxaca. Ces montagnards, orfèvres et ciseleurs subtils, céramistes de premier rang, experts en enluminure de manuscrits historiques et religieux, avaient refoulé vers l’est les Zapotèques de l’Oaxaca, occupant Monte Albán, où l’on a retrouvé leurs magnifiques bijoux, Mitla, où ils ont décoré de fresques les murailles des palais. La culture dite «mixteca-puebla» est née, aux confins du haut plateau et de l’Oaxaca, du contact entre Toltèques et Mixtèques. Elle est caractérisée par la beauté de la céramique polychrome de Cholula, par les fresques à sujets religieux de Tizatlán, par le développement de l’orfèvrerie et du travail des pierres semi-précieuses. Cet art raffiné fut importé dans la vallée de Mexico par les souverains des cités nouvelles, en particulier par les rois de Texcoco.

Les Aztèques et leur empire

Dernière venue au Mexique central, la tribu semi-barbare des Mexica, qui selon sa tradition avait vécu pendant plus de mille ans à Aztlán (d’où le nom d’Aztèques), au nord du Mexique ou au sud des États-Unis actuels, ne fonda sa capitale, Mexico-Tenochtitlán, qu’en 1325. C’était à l’origine un simple village de huttes sur quelques îlots de la grande lagune. Au siècle suivant, sous l’impulsion de souverains énergiques et ambitieux tels qu’Itzcoatl et Moctezuma Ier, les Aztèques, s’alliant à l’État de Texcoco, parvinrent en peu de temps à étendre leur hégémonie sur la plus grande partie du Mexique.

Ce qu’on appelle l’«empire» aztèque pourrait plutôt être décrit comme une confédération assez lâche d’États, cités ou villages, jouissant d’une très large autonomie mais assujettis au paiement d’un tribut. L’originalité des Aztèques consiste en la création d’une administration financière et judiciaire véritablement impériale, appuyée sur une force militaire toujours prête à intervenir et sur un réseau commercial très actif confié à des corporations de négociants, les pochteca . À son apogée, au début du XVIe siècle, cet empire s’étendait d’un océan à l’autre, des steppes du Nord et du Pánuco jusqu’au Guatemala, englobant des peuples de langues nahuatl, otomi, huaxtèque, totonaque, mixtèque, zapotèque et maya.

De ce fait, toutes les barrières ayant été abattues, les marchandises, les hommes et les idées circulant à travers cet immense territoire, une synthèse nouvelle pouvait surgir, fondée sur la tradition toltèque, mais enrichie par l’apport de cultures diverses et animée par le dynamisme indomptable d’un peuple encore proche de ses origines barbares. Ce processus de synthèse fut singulièrement facilité par la tendance propre aux Aztèques d’adopter avec aisance les idées, les rites, les motifs décoratifs des peuples voisins. C’est ainsi qu’ils empruntèrent aux Huaxtèques la construction d’édifices circulaires, aux Mixtèques l’essentiel de leur orfèvrerie, aux potiers de Cholula leur art de la céramique.

On commettrait toutefois une grave erreur si l’on ne voyait dans l’art aztèque qu’une imitation plus ou moins habile. Avec son étonnant alliage de réalisme et de symbolisme, son impétueux élan vital, cet art présente un caractère original et inimitable.

L’architecture aztèque descend en droite ligne de celle de Tula: pyramides, palais à colonnades, enceintes à têtes de serpents, statues porte-bannières. Le grand Teocalli (temple principal) de Mexico ne différait des monuments toltèques que par un trait: au sommet de sa pyramide s’élevaient deux sanctuaires jumelés, celui du dieu solaire de la tribu aztèque et celui du vieux dieu de la pluie Tlaloc. Ainsi le syncrétisme culturel et religieux des Aztèques se manifestait-il dans la construction même du grand temple. À côté de celui-ci, le sanctuaire de Quetzalcoatl, en forme de cylindre dressé sur une base pyramidale, se conformait au modèle huaxtèque. Tout le centre de Mexico rassemblait en un grandiose complexe architectural temples et palais, y compris la résidence de l’empereur, dont Cortés et ses conquistadores ont décrit avec émerveillement le luxe et la beauté. Des fouilles récentes (19791981) ont permis de mettre au jour le «Templo Mayor» et d’extraordinaires trésors artistiques.

Si les édifices de Mexico ont été détruits lors de la guerre hispano-aztèque de 1521, de nombreux monuments subsistent dans les provinces, en particulier à Huatusco (Veracruz) et à Calixtlahuaca, dans la vallée de Toluca. À Malinalco, un sanctuaire monolithique unique en son genre avait été creusé et sculpté dans la roche d’une falaise; consacré sans doute aux cultes militaires de la garnison aztèque de cette localité, il est décoré de très beaux bas-reliefs représentant des aigles et des jaguars. Un bâtiment annexe porte encore sur une de ses parois une des très rares fresques aztèques connues, scène de chasse ou de guerre où apparaît le dieu-archer Mixcoatl, symbole de la Voie lactée.

La sculpture et la statuaire aztèques, en dépit de destructions massives dues à la lutte des Espagnols contre l’«idolâtrie», sont représentées par un nombre considérable d’œuvres d’une très haute qualité et d’une extraordinaire puissance. La plupart d’entre elles se rattachent au symbolisme religieux et cosmique: tel est le cas de la célèbre Coatlicué, «Celle qui porte une jupe de serpents», énorme monolithe de 2,60 m de haut, pesant 12 tonnes, qui montre la déesse terrestre sous l’aspect terrible d’une femme décapitée; de la gracieuse statue du dieu Xochipilli, divinité de la jeunesse, de l’amour et des fleurs; du «Calendrier aztèque», disque de 3,60 m de diamètre, qui résume en ses hiéroglyphes toute la cosmologie mexicaine; du splendide serpent à plumes en porphyre que possède le musée de l’Homme à Paris; de la «Pierre des Soleils», bloc à quatre faces où sont sculptées les dates des quatre univers qui ont précédé le monde actuel.

D’autres sculptures étaient destinées à commémorer des événements historiques: la «Pierre de Tizoc», cylindre de 2,65 m de diamètre, porte en bas reliefs un résumé des victoires de cet empereur; une très belle stèle à l’effigie des empereurs Tizoc et Ahuitzotl rappelle l’inauguration du grand Teocalli en l’année «Huit-Roseau» (1487). Enfin, des statues d’hommes du peuple, de chevaliers-aigles, d’animaux, des bas-reliefs décoratifs à motifs floraux ou zoomorphes, des coffres en pierre sculptée témoignent de la maîtrise parfaite des artistes aztèques, qui savaient allier sobriété et grâce, réalisme et stylisation. Moins «flamboyant» que l’art maya, plus souple que celui des Toltèques, l’art aztèque de la pierre se situe au plus haut niveau des réalisations de l’Amérique précolombienne.

Reprenant une tradition qui prend sa source chez les Olmèques et à Teotihuacán, les Aztèques ont ciselé les pierres dures, jades, néphrite, serpentine, soit pour façonner des bijoux, bagues, pectoraux, bracelets, soit pour représenter des divinités: ainsi le Tezcatlipoca en jade vert clair du musée de l’Homme, la statuette de Xolotl du musée de Stuttgart, le pendentif en serpentine gravé à l’effigie d’Uitzilopochtli du musée de Berlin, les masques du dieu Xipe Totec (musée de l’Homme, British Museum). D’autres masques, à usage funéraire ou rituel, égalent par leur perfection ceux de Teotihuacán. Deux crânes en cristal de roche, qui devaient orner le bâton cérémoniel d’un prêtre, se trouvent actuellement au British Museum et au musée de l’Homme.

L’orfèvrerie, la mosaïque de pierres semi-précieuses et la mosaïque de plumes étaient pratiquées par des corporations d’artistes hautement appréciés que l’on appelait les «Toltèques». D’inspiration en effet toltèque et «mixteca-puebla», ces arts «mineurs» revêtaient chez les Aztèques une très grande importance. Si les objets d’or ont été pour la plupart fondus dans les creusets espagnols, de très belles pièces en os ou en bois, incrustées de turquoises, de nacre, d’obsidienne, sont conservées dans divers musées, notamment au British Museum (crâne humain avec incrustation représentant Tezcatlipoca, serpent à deux têtes, couteaux de sacrifices au manche en bois sculpté et incrusté de turquoise et de nacre).

Quant aux mosaïques de plumes, dont les chroniqueurs et les conquérants célèbrent à l’envi les merveilleuses couleurs et les dessins fantastiques, ces chefs-d’œuvre fragiles des amanteca , corporation spécialisée qui les produisait, ont presque tous disparu. On mentionnera toutefois un beau bouclier d’apparat à motifs géométriques (musée de Stuttgart) et surtout un autre bouclier, recouvert d’une mosaïque de plumes représentant un monstre aquatique (musée de Vienne). Ce même musée possède une splendide couronne de plumes qui a fait partie des cadeaux offerts par l’empereur Moctezuma II à Cortés et envoyés par ce dernier à Charles Quint.

L’enluminure des manuscrits ou «codex», portée à un haut degré de perfection par les Mixtèques et par les tlacuilo (peintres-scribes) de la région mixteca-puebla (Codex Nuttall, Codex Borgia ), a produit aussi des chefs-d’œuvre chez les Aztèques, notamment le Codex Borbonicus (bibliothèque de l’Assemblée nationale), magnifique livre hiéroglyphique relatif au calendrier rituel et illustré de figurations mythologiques.

Soit à l’intérieur de l’empire aztèque, soit hors de ses frontières, et bien que subissant l’influence de Mexico, des cultures autonomes ont continué jusqu’à la conquête espagnole à développer leurs arts particuliers. Tel fut le cas des Totonaques de Cempoala (temple des Petites Figures), des Huaxtèques de Tamuín (monuments circulaires, statuaire symbolique originale), des Tarasques du Michoacán (monuments tronconiques dits yácatas ). Contrairement à ce qui s’est passé au Yucatán, la civilisation aztèque et ses satellites étaient en plein essor lorsque l’irruption des Européens est venue en interrompre brutalement le cours.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно решить контрольную?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Amérique moyenne — Mésoamérique Situation géographique de la Mésoamérique à l échelle du continent américain. Le terme de Mésoamérique (également couramment orthographié Méso Amérique et plus rarement remplacé par l expression Amérique moyenne) est employé en… …   Wikipédia en Français

  • Art Olmèque — L’art olmèque se manifeste par une grande maîtrise de la sculpture et de la ciselure. Il ne sera dépassé par aucune autre civilisation précolombienne. Cette maîtrise est visible aussi bien dans l’art colossal que dans l’art miniature. Les… …   Wikipédia en Français

  • Art olmeque — Art olmèque L’art olmèque se manifeste par une grande maîtrise de la sculpture et de la ciselure. Il ne sera dépassé par aucune autre civilisation précolombienne. Cette maîtrise est visible aussi bien dans l’art colossal que dans l’art miniature …   Wikipédia en Français

  • Art Des Andes Centrales — Arts précolombiens Par zone géographique Art des Andes centrales Art de l Équateur Par civilisation Art aztèque Art inca Art maya Art olmèque Art toltèque Art zapotèque …   Wikipédia en Français

  • Art andin — Art des Andes centrales Arts précolombiens Par zone géographique Art des Andes centrales Art de l Équateur Par civilisation Art aztèque Art inca Art maya Art olmèque Art toltèque Art zapotèque …   Wikipédia en Français

  • Art des andes centrales — Arts précolombiens Par zone géographique Art des Andes centrales Art de l Équateur Par civilisation Art aztèque Art inca Art maya Art olmèque Art toltèque Art zapotèque …   Wikipédia en Français

  • Art olmèque — Un des « jumeaux » d’El Azuzul au musée d anthropologie de Xalapa, (Veracruz) L’art olmèque se manifeste par une grande maîtrise de la sculpture et de la ciselure. Il ne sera dépassé par aucune autre civilisation précolombienne[1 …   Wikipédia en Français

  • Art des Andes centrales — L art des Andes centrales est la production artistique qui a lieu au Pérou et en Bolivie avant l arrivée des européens. Sommaire 1 Chronologie 2 Conditions géographiques et climatiques 3 La Néolithisation : période précéramique …   Wikipédia en Français

  • Méso-Amérique — Mésoamérique Situation géographique de la Mésoamérique à l échelle du continent américain. Le terme de Mésoamérique (également couramment orthographié Méso Amérique et plus rarement remplacé par l expression Amérique moyenne) est employé en… …   Wikipédia en Français

  • Civilisation précolombienne — Pyramide de Chichén Itzá, une des œuvres les plus fameuses des civilisations précolombiennes. L expression civilisation (ou culture) précolombienne (ou préhispanique, pour les pays hispanoaméricains) s applique aux peuples autochtones de l… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”